Protection du consommateur marocain


Le projet de loi sur la protection du consommateur marocain pourrait sonner le glas du billet à ordre

Banques et sociétés de financement estiment que le billet à ordre est indispensable pour un recouvrement rapide en cas de contentieux.
Les associations de consommateurs militent, elle, pour la suppression de ce document.
Le texte est actuellement examiné par les parlementaires.


Une petite révolution chez les banquiers. Le billet à ordre (BAO), ce document que connaissent tous les cadres chargés des dossiers de crédits pourrait bientôt disparaître. Le BAO a souvent constitué une pièce maîtresse dans les dossiers bancaires puisqu’il était considéré comme une des garanties pour le remboursement d’un crédit. C’est le projet de loi 31-08 relative à la protection du consommateur qui en a décidé ainsi. Actuellement étudié devant le Parlement, ce texte vise à rendre nul, au grand dam des établissements de crédit (banques et sociétés de financement), l’engagement pris par un emprunteur sur un billet à ordre.
La probable nullité -les parlementaires peuvent très bien changer quelques dispositions du projet- du billet à ordre n’est pas expressément expliquée dans ledit projet puisqu’elle résulte d’une analyse de deux textes. Ainsi, selon l’article 145 de ce projet, «les dispositions de l’article 164 de la loi n° 15-95 formant code de commerce sont applicables aux lettres de change et billets à ordre souscrits ou avalisés par les emprunteurs, même majeurs, à l’occasion des opérations de crédit régies par le présent titre». Or l’article 164 du code de commerce stipule que «la lettre de change souscrite par un mineur non commerçant est nulle à son égard, sauf les droits des parties conformément au droit commun».
Une analyse de ces deux dispositions montre que si le projet de loi sur la protection du consommateur est adopté dans sa forme actuelle, le billet à ordre, à l’instar de la lettre de change signée par le client, non commerçant, qui a contracté un crédit auprès d’une banque, ne peut pas lui être opposable en cas de poursuite judiciaire. En résumé, le billet à ordre que les banques et sociétés de financement ont fait signer à leurs clients ne serviront plus à rien et surtout pas à recouvrer les créances en cas d’impayés.
Une situation qui est loin de satisfaire les établissements de crédit qui comptent bien défendre corps et âme la valeur judiciaire du billet à ordre. Réunis sous la bannière de l’Association professionnelle des sociétés de financement (APSF) pour les uns et au Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM) pour les autres, les deux professions multiplient les actions de lobbying auprès de leur autorité de tutelle, Bank Al Maghrib, et auprès des parlementaires chargés d’étudier le projet de loi pour faire entendre leur cause. Celle-ci tient principalement au volet judiciaire du billet à ordre. «Il est vrai qu’avec le contrat et la garantie du crédit, la signature d’un billet à ordre n’apparaît plus nécessaire. Mais si le client ne paie pas ses échéances et que le dossier arrive en contentieux, les établissements de crédit ont besoin de ce billet pour déposer un dossier en référé (NDLR, procédure rapide) devant le tribunal», explique un membre de l’APSF. Selon lui, s’il n’y a pas de billet à ordre, les établissements de crédit seront obligés de présenter le contrat de crédit pour prouver leurs créances.
Or, le juge ne tranche jamais en référé sur la base d’un contrat puisque ce dernier est jugé dans le fond. «Et c’est justement ce que nous redoutons puisque les jugements dans le fond prennent beaucoup de retard et nous privent du droit de saisir les biens du client récalcitrant», ajoute un banquier à Rabat.

L’injonction de payer peut être prononcée en l’absence du débiteur


L’action des établissements de crédit est loin d’être une promenade de santé car, face à eux, se dresse la Fédération nationale des associations de consommateurs (FNAC) qui milite pour la suppression pure et simple du billet à ordre. «Dans les pays européens, le billet à ordre disparaît petit à petit de la pratique bancaire. En tant que représentant des consommateurs, nous estimons que cette garantie montre la mauvaise foi des établissements de crédit. Car lorsqu’ils évoquent le billet à ordre, ces établissements parlent systématiquement du contentieux», s’insurge Mohamed Ouhssine, secrétaire général de la FNAC.
Concrètement, le billet à ordre, qui accompagne tous les types de crédits, hormis ceux de l’immobilier (la présence d’une hypothèque sur le bien immeuble rassure les créanciers), constitue un engagement pris par le débiteur pour payer une somme déterminée à une échéance déterminée. Lorsqu’il est présenté au juge, le débiteur ne peut plus contester le fondement de son engagement, mais il peut simplement contester le montant qui lui est réclamé. L’intérêt du billet à ordre est donc essentiellement judiciaire parce qu’il permet au créancier d’obtenir en 48 heures maximum une injonction de payer. Un débat, en tout cas, qui promet d’être intéressant.

Focus :Une clause pour la suspension des crédits, les banquiers s’inquiètent


Outre l’article 145 du projet de loi sur la protection des consommateurs, les établissements de crédit se battent pour la suppression ou la révision d’une autre disposition. Il s’agit de l’article 91 du même projet qui stipule qu’en cas de contestation sur l’exécution du contrat principal de vente ou de prestation de services, «le tribunal compétent pourra, jusqu’à la solution du litige, suspendre l’exécution du contrat de crédit». En d’autres termes, si les deux parties dans un contrat de vente rencontrent des problèmes dans l’exécution de leurs engagements respectifs, les remboursements du crédit affecté à l’opération de vente peuvent être gelés.
Naoufal Belghazi 13-07-2009 lavieeco

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