Juridictions de commerce Une réforme pour fluidifier la procédure


Juridictions de commerce
Une réforme pour fluidifier la procédure
Les parties impliquées dans l’instruction
La rétention de preuve bannie et condamnée
Le parlement discute la révision de la loi 53-95

En droit tout est une question de preuve! La réforme en cours de la loi 53-95 instituant les juridictions de commerce s’insère dans cette logique. Il est principalement question de son article 16. Celui-ci fait partie des dispositions qui régissent les procédures à suivre devant les tribunaux de commerce. Au cas où une affaire n’est pas en état d’être jugée, le tribunal «peut la reporter à une prochaine audience ou la renvoyer au juge rapporteur». Ce dernier est tenu de la porter de nouveau en audience dans un «délai n’excédant pas trois mois».
Ce n’est pas du temps perdu. En principe, le juge est chargé d’instruire le dossier en ayant recours à des enquêtes, des expertises, des confrontations, des visites des lieux… Sur le terrain, c’est une autre affaire. Car la collecte des preuves n’est pas toujours aisée. Les parties en litige n’hésitent pas à avoir recours à la rétention de documents à charge ou à décharge. C’est ce genre de pratique qui alourdi la procédure, la rend longue et onéreuse. Argument d’ailleurs souvent utilisé par les promoteurs de l’arbitrage et de la médiation conventionnelle.
L’ambition du ministère de la Justice est de contrecarrer les justiciables de mauvaise foi. D’où son projet de loi n°16-10 visant à réaménager l’article 16. Désormais, les parties seront «tenues de participer» aux procédures visant à faire aboutir une plainte. Obligation faisant appel à «la bonne foi», un principe général de droit. Le texte initial a fait l’objet de 27 amendements! Tous émis lors des trois réunions tenues fin 2010 par la commission parlementaire de la législation.
Le tribunal décidera finalement «des conséquences qui naissent de toute interdiction ou refus» de coopérer. Les amendements des parlementaires ont rajouté une condition. Une partie qui s’interdit de collaborer doit «justifier» son acte. Sinon, elle s’exposera à d’éventuelles sanctions. La version ministérielle avait le mérite d’être moins alambiquée. Surtout qu’elle a pris le soin de mentionner «les interdictions légales» de communiquer: secret professionnel, obligation de confidentialité…
De plus, si une partie dispose d’une pièce probatoire, le tribunal ou le juge rapporteur, peut lui demander de la fournir dans un «délais raisonnable». Sinon, une amende comminatoire peut être prononcée contre elle. Celle-ci est en fait une sanction pécuniaire visant à décourager les indociles.
Même les personnes non concernées directement par le différend peuvent faire l’objet d’une telle requête: fournir des éléments de preuve qui permettent d’établir les droits des parties.
La réforme actuellement en discussion au Parlement accordera de nouveaux droits. Contrairement aux enquêtes faites en matière civile, chacune des parties peut interroger directement son adversaire ou les témoins. Ce qui constitue une exception par rapport à la procédure civile. Les questions orales devraient viser d’abord à éclaircir les faits liés au procès.
Impliquer légalement les justiciables revient à les responsabiliser. Mais sans compliquer pour autant la procédure. C’est pourquoi la demande doit être faite à l’initiative de la partie adverse. Seule condition, qu’elle soit écrite et n’obéit donc à aucune formalité particulière. La demande devra préciser par ailleurs la nature du document visé: contrat, acte notarié… Outre l’inexistence d’interdiction légale, cette demande est la 2e condition instaurée par le projet de loi.
Les amendements ouvrent une brèche à la jurisprudence. Le juge commercial sera ainsi amené à qualifier le refus non justifié, à fixer le délai raisonnable et le montant de l’amende.
Le ministère de la Justice présente sa refonte en invoquant «transparence et célérité». C’est que l’abus de procédures est presque habituel. Même pour les affaires en cours d’examen. Le cas des entreprises en difficulté est emblématique. Les mauvais payeurs ont détourné le redressement judiciaire pour fuir leurs engagements. Quoique la jurisprudence tente de leur barrer la route: un chef d’entreprise véreux risque la saisie de ses biens propres s’il est prouvé une grave faute de gestion (voir L’Economiste du 17 août 2010).
La révision de la procédure applicable devant les tribunaux de commerce va être étendue à l’ensemble des juridictions. Une proposition qui fait consensus au Parlement. D’où aussi l’éventuelle révision du code de procédure civile. C’est véritablement un tournant de notre droit de la preuve qui se profile.
leconomiste du 14 janvier 2011
Faiçal FAQUIHI

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