°°° Droit des faillites °°°

Droit des faillites

Une loi «détournée par les escrocs»? • Lourdeur procédurale, engorgement des tribunaux, absence d’expertise,… les critiques

• Un projet de réforme toujours dans les tiroirs

«CELA fait trois ans que le projet dort dans les tiroirs du ministère de la Justice. Il n’a été déposé ni au secrétariat général du gouvernement, ni à la Chambre des représentants», souligne un avocat spécialiste du droit des affaires. Ce projet est celui de la réforme du livre V du Code de commerce, relatif aux procédures collectives, concernant le redressement et la liquidation des entreprises en difficulté. Depuis quelques temps, une grande majorité de praticiens considèrent ce texte comme inadapté à la pratique actuelle des affaires. Selon eux, l’urgence est à la révision.
La loi française, qui inspire fortement le législateur marocain, avait fait l’objet d’une réforme des procédures collectives entrée en application en 2006. A l’époque, Khalid Lahbabi, conseil juridique et bancaire, avait insisté sur la nécessité de réadapter le livre V «afin de corriger ses nombreuses imperfections actuelles». Le praticien insiste toujours sur l’importance du traitement amiable, et en ce sens, donner plus de prérogatives au conciliateur.
Autre point soulevant bon nombre de polémiques, celui de la lourdeur procédurale. Selon Alain Gauvain, docteur en droit bancaire et financier, faire valoir ses droits de créancier requiert non seulement de la patience mais également une solidité financière certaine, en raison de l’encombrement des tribunaux. «En revanche, l’emprunteur défaillant, surtout s’il est malhonnête, trouve parfaitement son compte dans la lourdeur et la longueur procédurales», souligne Gauvain (cf. www.leconomiste.com). En outre, bon nombre de praticiens estiment que les procédures de redressement ou de liquidation sont trop compliquées et que les personnes habilitées à les utiliser n’ont pas forcément les compétences nécessaires pour les mener à terme. De son côté, Amine Hajji, avocat d’affaires, estime que «cette loi a été détournée par les escrocs. Il y a énormément d’entrepreneurs sans scrupules qui se mettent sous la protection de la procédure». Hajji déplore également le manque de véritables experts de gestion de l’entreprise, une fois qu’elle est en cessation de paiement. Ces syndics, désignés par le président du tribunal de commerce, doivent faire preuve d’une probité exemplaire. Mais ils sont souvent mal rémunérés, ce qui peut en faire des personnes très influençables, indiquent des praticiens. Or, ces syndics «s’acquitteraient mieux de leur mission s’ils étaient mieux rémunérés et mieux supervisés pendant la liquidation», estiment les rédacteurs du dernier rapport de l’Usaid sur le sujet (voir encadré).
Plan de sauvegarde


Pour les experts, l’un des apports les plus importants de la loi française du 25 juillet 2005, dont le législateur marocain pourrait s’inspirer, est la création d’une nouvelle procédure judiciaire, dite procédure de sauvegarde. Elle est réservée aux entreprises qui ne sont pas encore en état de cessation des paiements mais qui risquent de s’y trouver rapidement si aucune solution n’est apportée à leurs difficultés.
Cette procédure, engagée à l’initiative du dirigeant qui conserve la direction et la gestion de son entreprise, permet de suspendre les échéances de ses dettes pour organiser une négociation entre l’entreprise et ses créanciers. La procédure vise à déboucher sur un plan de sauvegarde similaire dans son esprit au plan de continuation, lequel est déjà appliqué dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire.
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L’Usaid à la rescousse


EN 2004, l’Usaid (agence américaine pour le développement international) avait apporté son grain de sel, en énonçant des recommandations pour la réforme du livre V, dans le cadre du projet de l’amélioraton du climat des affaires au Maroc.
Le travail de l’agence internationale s’est poursuivi jusqu’à présent. Un nouveau rapport sera disponible sur le site de l’Usaid à partir de ce vendredi. On peut notamment y lire que le processus de réforme doit englober l’ensemble du système de traitement des entreprises en difficulté. En ce sens que la révision doit non seulement être juridique, mais également institutionnelle et réglementaire. La jurisprudence en vigueur ainsi que les textes doctrinaux devraient également êtres «rassemblés, organisés par domaines de procédures collectives, et mis à la disposition de tous les participants». En outre, d’autres réformes spécifiques sont en cours par les professionnels, comme le secteur des banques qui étudie actuellement des propositions susceptibles d’accroître la participation des créanciers. Le rapport recommande également la création de procédures simplifiées pour les petites entreprises, à l’instar de la loi française.

Adam BERRADA
Leconomiste

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