Les abus et erreurs de métrage des promoteurs immobiliers



La superficie des appartements souvent surévaluée, les propriétaires ignorent leurs voies de recours


La vérification par un géomètre à l'achèvement de la construction et le contrôle par le cadastre ne garantissent pas l'exactitude de la surface annoncée. Si l'erreur est avérée, ce n'est pas le vendeur qui est directement mis en cause, mais le cadastre et la conservation foncière.

Les abus et erreurs de métrage des promoteurs immobiliers sont courants et, selon les spécialistes, peu d’acheteurs de biens immeubles se posent la question et encore plus, rares sont ceux qui prennent des dispositions pour effectuer des vérifications dans ce sens. «Même si les propriétaires ont des doutes quant au métrage de leurs logements, ils ne vont jamais jusqu’au bout pour être fixés», assure Hassan El Mandjra, fondateur du Collège national des experts architectes. «Cette démarche reste l’apanage d’une clientèle avertie», renchérit Mohamed Sekkat, notaire à Casablanca.

Pourtant, la procédure prévue pour déterminer le métrage d’un appartement lors des transactions immobilières est de nature à prémunir contre ces cas de figure. Pour le cas le plus commun d’un appartement vendu achevé dans un immeuble, la surface devant figurer sur le plan cadastral du logement et qui sera, in fine, reprise dans le titre foncier est déterminée initialement par un géomètre privé qui établit un plan préliminaire pour le compte du promoteur immobilier. Ce plan est par la suite transmis aux services cadastraux qui opèrent tous des contrôles, portant entre autres sur la surface calculée par le géomètre. En cas d’erreur, le cadastre demande rectification du plan remis par le géomètre et, dans le cas contraire, ce plan est transmis à la conservation foncière. 

Le cadastre et la conservation foncière contractent des assurances pour se couvrir contre les erreurs de métrage

Mais cette procédure ne met pas à l’abri des erreurs. «Il arrive que des plans validés par le cadastre et la conservation foncière comportent des fautes de surface», explique Hassan Slaoui, notaire à Casablanca. Les erreurs résulteraient même du fait que «le cadastre a tendance à négliger le contrôle des surfaces calculées par les géomètres privés, pour s’attarder sur des vérifications techniques qui sont plus du ressort de l’agence urbaine», se plaint un topographe.

Quels recours s’offrent dès lors aux propriétaires dans ces cas ? Il faut d’abord préciser qu’en cas d’erreur, ce n’est pas, comme on pourrait le croire, le promoteur immobilier qui est mis en cause mais plutôt le cadastre et la conservation foncière. «Etant donné que ce sont ces deux administrations qui opèrent les vérifications, in fine, c’est leur responsabilité qui est engagée», justifie Me Slaoui. «Des assurances sont d’ailleurs contractées par ces administrations à cet effet», ajoute-t-il. Il n’empêche que«la responsabilité du promoteur peut être engagée s’il est prouvé qu’il a agi de connivence avec le cadastre et la conservation foncière pour surestimer le métrage du bien», ce qui relève de cas vécus selon un architecte à Casablanca.

Quoi qu’il en soit, en pratique, le propriétaire désirant attester le défaut de métrage de son bien doit faire appel à un géomètre. Celui-ci opère des mesures moyennant des honoraires allant de 1 500 DH à 5 000 DH, selon la superficie du bien mesuré et son expérience. Sur cette base, le professionnel établit un rapport qui doit être présenté devant la justice pour aboutir éventuellement à la révision du plan cadastral. Précision importante, le rapport établi n’a de valeur que si le géomètre appartient à l’Ordre national des ingénieurs géomètres topographes (ONIGT). Si un écart est avéré entre la superficie effective et celle figurant sur le plan cadastral, le propriétaire ne peut demander la restitution du trop payé que si l’écart excède 5%, conformément à l’article 529 du Dahir des obligations et contrats.
L’on pourrait croire que le seuil de tolérance prévu par la loi est assez généreux mais «les écarts en termes de surface contractuelle et effective dépassant 5% sont fréquents, notamment dans le logement social», certifie un notaire.

En outre, il convient d’insister sur le fait que le seuil de tolérance de 5% ne s’applique qu’aux transactions déjà conclues. Autrement dit, «rien n’empêche tout propriétaire de faire vérifier la surface par un professionnel pendant la négociation avec le vendeur afin de payer le juste prix», préconise un professionnel. Aux prix actuels de l’immobilier, un écart de quelques mètres peut en effet générer une grande différence de prix. 
Les acheteurs sur plan ont d’autant plus intérêt à vérifier systématiquement la surface des biens acquis une fois les travaux terminés. En effet, il est très courant que les biens achetés sur plan soient d’une superficie moindre par rapport à ce qui a été initialement promis, selon la majorité des notaires. Le cas échéant, les promoteurs trouvent la parade arguant que le prix déterminé initialement est forfaitaire. Mais au final, il s’avère juste que le propriétaire paie plus cher le mètre carré. Et étonnamment, «nombre d’acheteurs sur plan ne contestent pas la superficie livrée et acceptent de payer le surplus afin de ne pas rallonger les procédures et se voir remettre au plus vite leur contrat définitif», assure un professionnel. Pourtant, il suffirait de s’entourer d’une simple précaution pour ne pas tomber dans cette situation, à savoir demander à ce que ce soit le prix au mètre carré et non le prix forfaitaire qui soit précisé dans le contrat préliminaire lors de l’achat sur plan.

Maroc : Ne payez la surface d'un garage ou d'une terrasse que s'ils disposent de titres fonciers distincts

Une pratique qui donne lieu à nombre d’abus, alors que la réglementation est claire sur le sujet. Les espaces non aménageables (emplacement de véhicule, terrasses…) ne doivent être vendus à l’acquéreur que s’il s’agit de surfaces divises (un garage scindé en box…) pour lesquelles un titre foncier est remis à l’acheteur. «Dans le cas contraire, aucun paiement ne peut être requis de l’acheteur», tranche un notaire. En outre, une pratique commerciale quasi généralisée veut que les surfaces non aménageables soient vendues moitié moins chère que les surfaces couvertes, étant donné que leur construction a logiquement donné lieu à moins de charges pour le promoteur
La Vie éco Réda Harmak  16 mars 2012


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