“Le Code du travail est loin d’être flexible”


“Le Code du travail est loin d’être flexible”

Auteur de plusieurs ouvrages et articles de référence en matière sociale, Me M’hamed El Fekkak vient de consacrer un ouvrage à la législation du travail. Disponible à partir du 15 janvier, ce livre porte sur les nouvelles dispositions introduites par la loi 65/99 formant code du travail, en attendant d’autres ouvrages annoncés.
Quelle lecture faites-vous du nouveau code du travail ?

Me M’hamed El Fekkak : C’est un outil qu’on attendait depuis un demi-siècle. La loi 65/99 portant code du travail est un outil plus que jamais indispensable pour les opérateurs économiques. La loi est claire et transparente. Elle est le fruit d’une combinaison de 36 textes législatifs dont elle s’est fortement inspirée. Elle reprend des dispositions législatives comme elle en annule et abroge d’autres, adopte le reste et introduit de nouvelles mesures, le tout en bonne harmonie avec les exigences du marché du travail. Aujourd’hui, cette loi tant attendue, dont les dispositions sont claires et suffisamment transparentes pour les partenaires sociaux, n’entrera en vigueur qu’en juin 2004. Notre objectif, à travers ce livre, est de traiter des modifications ou les ajouts. Dans les mois à venir, une documentation intégrale et complète sera publiée comprenant non seulement la partie législative et réglementaire objet de la loi 65, mais aussi les dispositions que le code a oubliées tels que les statuts particuliers (journalistes, mineurs, marins…), la formation professionnelle, la promotion de l’entreprise, ceci d’une part, d’autre part, les textes législatifs et réglementaires concernant l’hygiène, la sécurité, les conditions de travail, les accidents de travail…

Qu’est-ce qui a attiré le plus votre attention dans le nouveau code ?

Les nouvelles dispositions concernant l’institution d’une procédure pour le licenciement lié à un motif disciplinaire. Le salarié doit, avant toute autre chose, être convoqué pour un entretien avec l’employeur. Ce dernier doit lui expliquer les raisons qui l’ont poussé à prendre une telle décision et il est obligé d’enregistrer le compte-rendu de la réunion dans un procès-verbal. L’employeur dispose, de ce fait, de 48 heures pour éventuellement notifier la décision du licenciement à l’employé. Par ailleurs, la lettre de licenciement doit contenir tous les motifs arrêtés justifiant le licenciement. Elle doit mentionner la procédure de l’entretien engagée comme elle doit préciser que le salarié dispose de 90 jours pour contester la décision du licenciement devant les tribunaux. Si l’entrepreneur ne précède pas de la sorte, il est déjà débouté.

Ce qui veut dire que les procédures doivent être respectées à la lettre ?

Il s’agit d’une contrainte qui sert les intérêts des deux parties et d’une procédure à suivre à la lettre. Ce qui revient à dire que nous sommes loin maintenant du licenciement verbal ou du licenciement notifié par une simple lettre recommandée adressée à l’employé. Il est important de retenir que si l’employeur ne respecte pas ces formalités, il sera considéré par la Justice comme ayant procédé à un licenciement abusif.

Y a-t-il d’autres procédures spécifiques au licenciement ?

Auparavant, il y avait quatre degrés de sanctions disciplinaires pouvant déclencher par la suite la procédure de licenciement : l’avertissement, le blâme, la mise à pied et la mutation. L’employeur avait le choix entre ces quatre mesures, selon la gravité de la faute, d’infliger telle ou telle sanction à ses salariés. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Pour n’importe quelle faute, l’employeur est obligé de suivre le cheminement des sanctions, telles qu’elles sont stipulées par le code du travail. De même, le congédiement ne peut être prononcé que si les cinq fautes sont commises durant la même année. Donc, les nouveautés introduites dans ce registre sont multiples et d’un apport considérable dans les relations de travail.

Avez-vous relevé de nouvelles dispositions ?

Quant aux nouvelles dispositions, elles traitent des questions évoquées pour la première fois par le législateur marocain. Il s’agit de l’aménagement du temps de travail en cas de crise économique passagère, des agences de conseil en recrutement, des entreprises de travail temporaire ou intérimaire, de la réduction légale du travail de 48 à 44 heures par semaine. Parmi les bonnes dispositions introduites par cette nouvelle mouture, c’est le nouveau rôle que peut jouer l’inspection du travail.
Auparavant, et en cas de licenciement individuel, l’intervention de cette instance était symbolique. Et même en cas d’arrangement à l’amiable entre les deux parties, consigné sur un PV, les tribunaux pouvaient ne pas en tenir compte. Ce qui fait que l’employeur préférait aller directement devant la Justice. À présent, ce n’est plus le cas. Le PV de conciliation, signé et légalisé, établi devant l’inspecteur du travail est opposable au tribunal. C’est l’une des très bonnes dispositions du code du travail.

Au sujet de l’investissement, ce nouveau code redonnera-t-il confiance ?

Comme je l’ai indiqué précédemment, d’une manière générale, ce code est correct, clair et transparent. Cela veut dire qu’aujourd’hui, les chefs d’entreprise savent ce qui les attend et ce qu’il leur en coûtera au cas où ils décideraient de licencier. Les futurs investisseurs ont aujourd’hui une bonne visibilité sur la masse salariale ainsi que sur les charges sociales. Chacun fera son bilan et portera son jugement mais à mon avis, ce code est loin d’être flexible et son application sur le terrain nous le dira.
Aujourd'hui le Maroc / Bensalem Fennasi 13 janvuer 2004


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