Refonte de la loi 10-94

Refonte de la loi 10-94

Les médecins contre la réforme
L'ouverture du capital médical à tous les investisseurs suscite la grogne des professionnels

La mobilisation des blouses blanches continue contre la refonte de la loi 10-94 relative à l'exercice de la médecine.


L'opposition contre ce projet semble même s'élargir couvrant d'autres instances professionnelles. En effet, une plate-forme contre le projet d'amendement a été mise en place. Parmi les contestataires, des syndicats du secteur de la santé, mais également des associations professionnelles et des organisations de droits de l'Homme. Au nombre de 23 (un record puisque c'est la première fois qu'un nombre aussi important d'organismes s'entend sur le même principe), ils ont tous pour principale revendication le retrait du projet de loi dans sa version actuelle.

La libération du capital médical est le point le plus contesté par les syndicats. Pour ces derniers, si cette loi venait à être votée, elle élargirait la possibilité de créer des cliniques à tous les investisseurs alors que l'investissement dans de tels établissements sanitaires est aujourd'hui limité aux médecins seulement. Autrement, les cliniques pourraient à l'avenir appartenir à des sociétés de droit marocain qu'elles soient civiles ou commerciales. «Le projet ouvre la porte à un investissement commercial dans le domaine de la santé tandis que ce secteur ne peut pas fonctionner avec les règles et loi du marché.

Nous considérons que la "commercialisation" de la santé aura des répercussions très mauvaises sur l'accès aux soins des citoyens tout en sachant qu'environ 70% de la population marocaine n'a pas une couverture médicale», déclare Mohamed Naciri Bennani, président du Syndicat national des médecins du secteur libéral (SNMSL). Et d'ajouter : «un investisseur cherche avant tout le profit, ce qui est bien évidemment légitime. Mais est-ce qu'on peut transformer la santé en une activité purement lucrative et commerciale ? En tant que syndicat, nous avons demandé aux responsables de retirer ce projet». D'autres syndicats ont également manifesté leur refus catégorique à cette proposition. «La santé pour nous est un service public qui ne tolère aucune vision marchande. C'est un service public même dans le secteur libéral car il est régulé par l'éthique et la déontologie avant tout. Si dans la réalité, certaines actions perverses, bien que rares, entachent cette vision, l'état a entre les mains une législation rigoureuse qu'elle devrait appliquer.

Partant de cette vision qui fait de la santé un service public, nous rejetons ce projet qui est l'équivalent d'un désengagement total de l'Etat de ce service, et nous vous demandons de bien vouloir ouvrir un large débat pour pallier aux dysfonctionnements de notre système de santé», lit-on dans un courrier adressé par le Bureau national du syndicat national de la santé publique au ministre de la Santé. Certes, le secteur de la santé ne connaît pas des investissements importants, mais les professionnels disent que les responsables doivent encourager les médecins à investir au lieu d'ouvrir la porte devant tous les investisseurs. «La santé est un secteur stratégique qui ne devrait pas obéir à la logique du marché. Il faut savoir que pour la première fois, de nombreux syndicats et associations professionnelles font front commun contre cette réforme», affirme Dr Mostafa Chanaoui, secrétaire général du Syndicat national de la santé publique, affilié à la CDT. Pour ce dernier, une tentative pour l'ouverture du capital médical avait été effectuée en 1994, mais elle avait, à l'époque, rencontré une opposition farouche de la part des professionnels.

Pour certains syndicalistes, les responsables doivent adopter une série de mesures pour encourager les médecins à investir. «Il faut savoir que les médecins qui décident de créer des cliniques prennent de gros risques. Ils subissent une pression fiscale démesurée sans parler des taux d'intérêt appliqués par les banques actuellement qui demeurent très élevés», s'indigne Naciri Bennani. Par ailleurs, les syndicats contestent également l'institution du salariat médical. Pour ces derniers, les médecins seront assimilés à de simples salariés exécutant les tâches assignées par l'employeur. «Le projet de loi institue la reconnaissance du salariat médical dans les cliniques comme c'est le cas dans beaucoup de pays. Il est vrai que ce salariat est reconnu sous d'autres cieux, mais cela ne veut pas dire que nous allons reproduire ce qui se passe ailleurs, sachant que dans certains pays, notamment la France, les professionnels s'opposent à ce concept», ajoute Chanaoui. A l'heure où nous mettions sous presse, nous avons été informés que le Syndicat national des médecins du secteur libéral organisera le 30 mai prochain une rencontre avec la participation de nombreux acteurs dans le secteur de la santé. Bien évidemment, l'objectif de cette rencontre est de débattre de la réforme proposée par le ministère mais également d'organiser l'opposition contre le projet de réforme. Une réforme qui, pour les professionnels du secteur de la santé, pourrait porter préjudice à la pratique médicale.
--------------------------------------------------------------

En attendant une charte médicale



Pour de nombreux professionnels, le manque des moyens matériels trouve son explication dans l'absence d'une politique pérenne pour améliorer le système de santé au Maroc.
Car ce ne sont pas seulement les médicaments qui manquent dans les hôpitaux mais aussi les outils de gestion et le matériel nécessaire. Le problème est donc plus complexe. Pour améliorer le rendement du système de santé, le gouvernement a lancé en 2008 une stratégie qui devrait s'étaler sur quatre années pour la mise à niveau du secteur. Même si les responsables comptent beaucoup sur la stratégie 2008-2012 pour développer le secteur de la santé, certains observateurs affirment que toutes tentatives de mise à niveau sont condamnées à échouer du moment qu'il n'y a pas une continuité. «Le ministère a adopté depuis l'arrivée de madame la ministre une stratégie s'étalant sur quatre ans alors que le ministère avait adopté sous le gouvernement Jettou la vision 2020. Autrement, le secteur se retrouve à la case de départ avec les gouvernements successifs. C'est pour cette raison que nous avons appelé à l'adoption d'une charte nationale sur la santé», déclare Chanaoui.
Par Mohamed Badrane | LE MATIN
Publié le : 24.05.2009 | 11h30

Aucun commentaire: