Mesures disciplinaires
L'employeur doit adopter une approche graduelle
La procédure d'écoute du salarié est obligatoire avant le licenciement
QUESTION du salarié
«Je suis salarié dans une entreprise opérant dans le domaine de l'industrie chimique. Récemment, j'ai eu un différend avec un supérieur hiérarchique. A ma grande surprise, j'ai reçu une lettre de licenciement quelques jours après. Dans cette lettre, la direction justifie cette décision par mon comportement agressif à l'encontre d'un supérieur ce qui constitue selon les responsables une faute grave. Ainsi, je me suis retrouvé à la porte sans aucune indemnité alors que j'ai passé dans cette entreprise plus de dix ans. J'ai tenté à plusieurs reprises de prendre contact avec le service des ressources humaines pour leur donner une explication sur la dispute que j'ai eue avec mon supérieur mais en vain. Les responsables se sont contentés de la version fournie par ce dernier. Des collègues m'ont conseillé de porter l'affaire devant un tribunal. J'ai donc décidé de saisir la justice. C'est pour cette raison que je désire avoir des informations sur les dispositions du code du travail concernant les mesures disciplinaires.»
AVIS DE L'EMPLOYEUR
Le conseil disciplinaire réuni récemment, a pris la décision de licencier l'employé M.Y pour faute grave. En effet, les faits remontent à deux mois lorsque le salarié en question a refusé d'exécuter une tâche qui lui a été conférée par son supérieur hiérarchique. Pis encore, il est même allé jusqu'à proférer des insultes et des menaces. Le comportement de cet employé constitue une faute grave qui justifie donc son licenciement. Aussi, ce salarié ne pourra pas bénéficier d'une indemnité de licenciement. D'ailleurs, une lettre de licenciement a été remise en main propre au salarié concerné. La direction détaille dans cette missive les causes qui justifient une telle décision disciplinaire. C'est pour cette raison que le service des ressources humaines n'a pas jugé utile de recevoir l'employé. La direction considère cette affaire comme une affaire classée. Si le salarié décidait de saisir la justice, le dossier sera rouvert mais c'est le service du contentieux qui sera chargé du suivi.
Propos recueillis par Mohamed Badrane
CONSEIL DU JURISTE
Il convient de préciser tout d'abord que les décisions disciplinaires de l'employeur restent sous un contrôle judiciaire. Pour réglementer le recours aux mesures disciplinaires, le code du travail définit un cadre réglementaire bien définis. L'approche diffère selon les fautes commises. Bien évidemment, il est fait une distinction entre une faute grave et une autre non grave. En cas de faute grave imputée à un salarié (les fautes graves sont dénombrées dans l'article 39 du code), l'employeur est tenu d'enclencher une procédure d'écoute avant le licenciement.
Le code donne également le droit aux salariés d'être entendus par l'employeur ou son représentant pour pouvoir se défendre. Cependant, la séance d'écoute a lieu dans un délai n'excédant pas huit jours à compter de la date de constatation de l'acte reproché. La présence d'un délégué des salariés ou du représentant syndical lors de cette séance est essentielle. Le salarié choisit lui-même le délégué ou le représentant qui sera présent.
A l'issue de cette rencontre, un procès-verbal, signé par les parties concernées, est dressé dont une copie est délivrée au salarié. Dans les cas où l'une des parties refuse d'entreprendre ou de poursuivre la procédure, il est fait recours à l'inspecteur de travail. Un licenciement ou toute autre sanctions à l'encontre du salarié doit être absolument motivée. Par ailleurs, en cas de faute non grave, l'employeur doit adopter une approche graduelle dans l'application des décisions relatives à la discipline. Les sanctions disciplinaires contre le salarié pour faute non grave sont : l'avertissement ; le blâme ; un deuxième blâme ou une mise à pied pour une durée n'excédant pas huit jours ; un troisième blâme ou le transfert à un autre service ou, le cas échéant, à un autre établissement tout en prenant en considération le lieu de résidence du salarié.
Lorsque ces sanctions disciplinaires sont épuisées dans l'année, l'employeur peut procéder au licenciement du salarié. Cependant, l'employeur est tenu de permettre à ce dernier de se défendre et recueillir les explications sur les fautes qui lui sont reprochées relativement aux deux dernières sanctions disciplinaires pour faute non grave (un deuxième blâme ou une mise à pied pour une durée n'excédant pas huit jours ; un troisième blâme ou le transfert à un autre service ou, le cas échéant, à un autre établissement tout en prenant en considération le lieu de résidence du salarié). Dans des cas similaires, le licenciement est considéré comme justifié sans indemnités ni préavis.
Pour protéger les salariés affiliés à un syndicat ou les représentants syndicaux, la loi a interdit à l'employeur de sanctionner un salarié pour son affiliation syndicale ou l'exercice d'un mandat du représentant syndical. De même, le dépôt d'une plainte ou la participation à des actions judiciaires contre l'employeur, la race, la couleur, le sexe, la situation conjugale, les responsabilités familiales, la religion, les opinions politiques ne constituent pas des motifs valables pour la prise des sanctions.
Enfin, les salariés lésés par une décision disciplinaire prise à leur encontre, ont la possibilité de saisir la justice. Toutefois, le salarié doit déposer son dossier devant le tribunal compétent dans un délai n'excédant pas 90 jours à compter de la date de réception de la décision de licenciement sous peine de déchéance.
Publié le : 07.06.2009 |
Source : Abdessamad Drissi, inspecteur du travail
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Quand la mise à pied est irrégulière...
Après une discussion assez houleuse avec mon patron sur une question relevant du travail, celui-ci m'a infligé une mise à pied, alors que, jusque-là, j'ai toujours été apprécié et félicité. Je voudrais savoir si cette mise à pied est légitime ainsi que les raisons qui la motivent ?
La mise à pied disciplinaire est la sanction la plus grave, licenciement excepté. C’est une période pendant laquelle le salarié est renvoyé chez lui et ne sera pas payé. Afin de justifier la mise à pied, il faut être face à des comportements fautifs dits non graves. De prime abord, la mise à pied qu’on vous a infligée est irrégulière, c’est à dire que l’employeur n’a pas respecté, si je m’en tiens aux éléments que vous avez bien voulu me donner dans votre question, les étapes légales d’une mise à pied.
En effet, le code du travail reconnaît la mise à pied comme procédé ou mesure disciplinaire à l’égard du salarié qui commet une faute non grave. Toutefois, pour que cette mise à pied soit valable, il faut qu’elle soit d’abord précédée de sanctions moins lourdes.
Lorsque le salarié commet une faute non grave, le code du travail, en son article 37, dispose que l’employeur peut prendre, mais dans l’ordre progressif, les mesures disciplinaires suivantes :
- L’avertissement ;
- Le blâme ;
- Un deuxième blâme ou la mise à pied pour une durée n’excédant pas huit jours ;
- Un troisième blâme ou le transfert à un autre service ou, le cas échéant, à un autre établissement, le lieu de résidence du salarié étant pris en considération.
Une fois ces mesures épuisées et au cours d’une période d’une année, l’employeur peut valablement prendre la décision de licencier ce salarié. Mais avant le licenciement, le code dispose, en son article 62, que le salarié «doit pouvoir se défendre et être entendu par l’employeur ou le représentant de celui-ci en présence du délégué des salariés ou le représentant syndical dans l’entreprise qu’il choisit lui-même dans un délai ne dépassant pas huit jours à compter de la date de constatation de l’acte qui lui est imputé.
Il est dressé un procès-verbal à ce propos par l’administration de l’entreprise, signé par les deux parties, dont copie est délivrée au salarié.
Si l’une des parties refuse d’entreprendre ou de poursuivre la procédure, il est fait recours à l’inspecteur du travail».
Par ailleurs, la question qui reste posée est celle de savoir ou de délimiter le champ d’une faute non grave. En d’autres termes, est-ce que le fait d’avoir élevé la voix pendant la discussion constitue une faute qui justifie cette décision de mise à pied ?
Le code du travail a essayé d’apporter la réponse pour ce qui est de la faute grave en dressant une liste non exhaustive de fautes graves, mais c’est au juge qu’il appartient de compléter cette définition, et de prononcer des jugements et des arrêts en fonction de la spécificité de chaque affaire et de conditions et circonstances de sa genèse.
Pour les fautes non graves, c’est également au juge de se prononcer sur la qualification du comportement défaillant.
En l’état actuel des choses, vous êtes en droit de saisir le tribunal compétent pour se prononcer sur la justesse, l’opportunité ou l’inopportunité de cette décision, et partant demander son annulation si elle est abusive en sus, éventuellement, des dommages et intérêts.
Mohamed Jamal Maatouk la vie éco 2010-10-18
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