Propriété commerciale: Méditel poursuit Wana en justice.

Actualité de justice : Méditel poursuit Wana en justice.

Pour Méditel, l’appellation Wanajahiz, trop proche de Médijahiz, risque de semer la confusion dans l’esprit du consommateur.
Une plainte a été déposée auprès du tribunal de commerce.
L’offre de double recharge faite aux 100 000 premiers clients Wanajahiz relève-t-elle de la promotion.
Est-ce vraiment une surprise ? L’arrivée de Wana, dans le très concurrentiel -et encore prometteur- segment du GSM (licence 2G) n’a pas manqué de créer de l’agitation chez la concurrence. La tension est montée d’un cran début mars quand Wana a sorti son offre prépayée à grand renfort d’annonces. Méditel a, en effet, déposé une plainte contre le nouvel arrivant auprès du tribunal de commerce de Casablanca tout en saisissant le régulateur à propos de ce qu’elle estime une concurrence déloyale. Le problème ? Le nom commercial donné au produit prépayé par le troisième opérateur serait trop proche de celui de Méditel. Ce dernier voit en Wanajahiz un simple plagiat de son Medijahiz.
Même si, officieusement, on confirme l’information, aucun des deux opérateurs n’a souhaité commenter ouvertement ce recours à la justice qui constitue une première dans le secteur. Pour corser le tout, Maroc Telecom, l’opérateur historique, semble également gêné aux entournures. Et pour cause, le fait que la version arabe de la publicité faite autour de Wanajahiz utilise le terme Jawal pour désigner le téléphone mobile. Chez l’opérateur historique, on considère que le mot Jawal bien qu’étant un terme tiré de l’arabe désigne un produit exclusif quand il s’agit d’offre commerciale en téléphonie mobile.

L’issue de l’affaire n’est pas jouée d’avance

Pour le moment, Maroc Telecom n’a pas réagi officiellement. Revenons à Méditel. Ce dernier estime que la mise sur le marché du produit Wanajahiz risque de semer le trouble dans l’esprit du consommateur qui pourrait le confondre avec Médijahiz. Or, non seulement cela peut être préjudiciable commercialement, mais Méditel, qui a enregistré son produit auprès de l’Office marocain de la propriété intellectuelle et commerciale (OMPIC), a investi lourdement pour que son prépayé acquiert sa renommée actuelle. Implicitement et explicitement, Wana est accusé de vouloir accaparer la notoriété d’une dénomination déposée et protégée en l’intégrant dans son business.
Wana qui n’a pas manqué, lui aussi, de déposer son produit chez l’OMPIC, développe en privé l’idée suivante : «Jahiz est un mot de la langue arabe et, de ce fait, n’appartient à personne et rien ne s’oppose à ce qu’on crée une offre qui est forcément dans le même créneau, les trois opérateurs étant globaux, et tout cela ne peut faire que le bonheur de la clientèle qui voit la floraison de choix actuelle avec les conséquences que l’on sait sur les prix». Du côté de la filiale de l’Ona, on déclare que Wana est une marque et qu’elle a le droit de créer des produits. Pour illustration, on rappelle l’épisode tout aussi similaire des offres «Amis et famille» lancé par Méditel et «Famille et amis» de Maroc
Telecom.Joint par téléphone, mardi 10 mars, dans la journée, Karim Zaz, PDG de Wana, se refuse à tout commentaire, arguant un devoir de réserve maintenant que l’affaire a été portée devant les tribunaux.
Que va t-il se passer ? Pour Me Abdelali El Quessar et Idriss Lahlou, avocats au barreau de Casablanca, il s’agit là d’un différend qui relève de l’article 84 du dahir des obligations et des contrats (DOC) qui régit la concurrence déloyale. Abdelali El Quessar commente : «Il ne s’agit pas de marques mais de produits. Méditel pourrait intenter une action en référé demandant la suspension du produit en attendant un jugement, mais il faudrait en arriver à montrer que le préjudice est patent». Que risque Wana, s’il est condamné ? Il devra certainement dédommager Méditel si le juge en arrive à acquérir la conviction qu’un tort lui aurait été causé.
Cela dit, une telle condamnation n’est pas chose aisée parce que plusieurs paramètres doivent être pris en compte. En effet, explique Me El Quessar, «le texte marocain ne part pas des ressemblances de deux produits mais de leurs caractères distinctifs. Il y a le texte, la couleur, le contenu, etc. Il faut aussi vérifier si, effectivement, pour un client, la confusion est possible. Et, comme ce sont des produits qui sont commercialisés dans des circuits et des points de vente où il faut se déplacer pour être servi, la partie est loin d’être facile».

Une promotion ne doit pas durer plus de trois mois
En un mot, la bataille se fera autour des éléments suivants : le degré de similitude entre les marques, la nature des produits et services respectifs, l’intensité de la renommée de la marque antérieure, son degré de caractère distinctif ainsi que l’existence d’un éventuel risque de confusion pour le public.
Pour le moment, l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT), n’a pas encore traité le dossier et se refuse à toute déclaration à ce sujet.
Mais cette histoire de dénomination n’est pas le seul point de réflexion auquel le régulateur doit s’atteler. Dans l’offre de Wanajahiz, il y a également un aspect tarification qui intrigue. En effet, l’actuelle campagne de Wanajahiz offre aux 100 000 premiers clients l’avantage à vie de se voir créditer de l’équivalent des communications passées. En somme, il s’agirait d’une promotion à durée non déterminée, puisque basée sur l’atteinte d’un nombre de nouveaux clients et d’un avantage accordé auxdits clients sur une durée indéterminée.
Si l’offre est considérée comme une promotion, ne contrevient-elle pas à l’esprit de l’arrêté du ministre délégué chargé des affaires économiques, paru le 19 juin 2008 et fixant les modalités de promotion des services de télécommunications ? En effet, le texte (article 2) définit la notion de promotion comme «toute pratique ou opération commerciale (…) en vue d’inciter une partie ou la totalité du public, pendant une durée limitée, par le biais d’avantages financiers et/ou autres à l’achat ou à l’abonnement à ses services». L’offre de Wanjahiz s’apparente donc bien à une promotion.
L’article 4 du même texte fixe explicitement la durée à trois mois pour une campagne tout comme ils stipule qu’une durée de trois mois doit être observée entre deux promotions sur un même service. Le texte dispose, en outre, que l’intervalle entre promotions des recharges relatives aux services téléphoniques ou Internet ne peut être inférieure à deux mois. Or, les termes de l’offre de Wana concernant Wanajahiz parlent d’avantages dont la durée est indéterminée. Comment alors déterminer la frontière entre des éléments intrinsèques de formation du prix d’un produit et des avantages octroyés lors des promotions ?

L’offre de Wana est-elle «réplicable» ?
Une réponse tranchée entre promotions et produits ou gammes de produits comportant des faveurs est loin d’être évidente pour différentes considérations. En effet, la question à poser est de savoir si un opérateur est en droit de former son prix avec une promotion qui, théoriquement, doit être limitée dans le temps et dans les avantages offerts. C’est le cas de Wana et de Wanajahiz, par exemple.
Cependant, quand on regarde de près plusieurs offres, il est évident que des produits comportent, de plus en plus, également des avantages constitutifs du prix. Ainsi, Méditel et IAM ont conçu des avantages et des gratuités qui font partie intégrante des offres. Après les plafonds qui donnent un droit automatique à des gratuités sur les appels des numéros du même opérateur, cet avantage est élargi aux appels vers tous les opérateurs et parfois vers certains pays. Ce qui n’en fait pas pour autant des promotions, du moins aux yeux du régulateurs.
Bien entendu, le régulateur se garde, pour le moment, de commenter cette question de prix qui n’est pas à l’ordre du jour. Il reste qu’en plus de l’aspect promotionnel ou pas, les principaux éléments de jugement ont trait, primo, à la possibilité de réplicabilité de l’offre par les concurrents dans des conditions économiquement viables -en d’autres termes que l’offre de Wana ne relève pas du dumping- et, secundo, le fait de lier l’offre à un seuil quantitatif et non pas à une durée. Il y aura sans doute jurisprudence.
Mohamed El MaâroufI
la vie économique
16-03-2009

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